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J'en suis à me demander...

 

politique-fiction
Avec l'aimable autorisation de l'auteur

Nombreux sont ceux qui se demandent, encore aujourd'hui, si le Président sortant n'aurait pas, avec un certain machiavélisme, délibérément laissé le volant à son adversaire. Certes, meublant les conversations des dîners en ville, cette réflexion peut aussi constituer une forme de lot de consolation pour les militants... "Il n'a pas été battu ! Pas du tout, il a tout fait pour cela !"

Pour ma part, j'en arriverais plutôt à me demander si, au soir du 6 mai 2012, nous n'avons pas été les témoins de l'un des plus fantastiques coup de billard à trois bandes que notre vénérable Cinquième République pouvait nous offrir.

Si l'on prend un peu de recul et que l'on juxtapose des faits, des petites phrases lâchées, ça et là, ou d'autres qui m'ont été relatées tout en gardant présent à l'esprit que Sarkozy est très loin d'avoir ce formatage "haute fonction publique" qui rend tous les autres lisses et prévisibles, il y a de quoi se poser sérieusement la question.

N'ayant d'autre fiabilité, je le reconnais, que le "on m'a dit", un ami journaliste m'avait confié en 2007 qu'il avait vécu son accession au pouvoir comme De Gaulle, après la guerre, héritant d'un pays en ruines et qu'il allait s'employer à le relever en le réformant en profondeur.

Il est vrai qu'avec un minimum de réalisme, notre beau pays s'est endormi sur ses "acquis sociaux", ses scléroses corporatistes, ses Syndicats et ses Partis dits "progressistes" mais dont le conservatisme est devenu l'unique ligne directrice, un pays qui entretient et cultive ces fameux "pouvoirs intermédiaires" dont même la Révolution n'a pu nous débarrasser et qui ont si bien su métastaser dans bien des secteurs de la vie publique, et un pays qui, pour finir, a remplacé une Noblesse de Cour honnie par un empilement de structures administratives et parapubliques qui, dans le meilleur des cas, se contentent de freiner des quatre fers et, dans le pire, tuent dans l’œuf toute velléité de simplification et d'innovation, donc de réduction des dépenses publiques.

Une analyse sévère, certes, mais qui se trouve sans cesse confirmée par les rapports de la Cour des Comptes et, constituant une forme d'aveu en creux, encore plus par ceux qui ne sont pas rendus publics. De Gaulle le disait il y a bien longtemps déjà, les réformes sont nécessaires mais elles sont électoralement suicidaires et, à ce titre, elles demandent soit un fieffé courage soit une totale inconscience de la part de celui qui ose les tenter.

Et non seulement Sarkozy va tenter de réformer, de donner des coups de pied là où il le faut, car ce fut le cas de l'avis même de certains de mes amis haut-fonctionnaires et néanmoins "plutôt" socialistes, mais, plutôt que de rafistoler, au coup par coup, cette vieille guimbarde qu'est devenue la France, la remettre à neuf, ou presque, autrement dit en procédant à des réformes, nombreuses et simultanées, bien que parfois désordonnées, pour que chacune d'elles renforce les autres. Une attitude qui n'a pas manqué pas d'être très vite considérée comme une "hyper présidence", une "réformite aigüe", de la gesticulation et surtout de la com' mais qui, dans le même temps, fera de lui l'ennemi à abattre tout autant que le fut, en son temps et par la même frange de l'opinion, celui dont pourtant aujourd'hui tout le monde se réclame... notre Grand Charles.

Et, durant pratiquement cinq ans, tout ce que la France compte de "pouvoirs intermédiaires" y est allé de sa faculté de blocage et de nuisance. Depuis le Parlement où les partis d'opposition, en se réfugiant dans un déni de réalité, se sont opposés, par principe et systématiquement, à tout ce qui était proposé, jusqu'aux syndicats qui en ont appelé à des grèves "préventives" sans oublier, bien entendu, les médias dont le travail de sape, les amalgames parfois plus que douteux et les attaques quasi personnelles ont fortement contribué au résultat du 6 mai ...

... sauf si, à l'image d'un médecin qui, ayant formellement établi le diagnostic et le traitement, voit son patient préférer s'en remettre au charlatan lui assurant la guérison en arrêtant tout traitement, va le laisser faire en sachant pertinemment et par expérience que, sauf décès vu la gravité du cas, le patient lui reviendra et, cette fois, d'une fidélité absolue. Lorsqu'on compare les débats Ségolène-Sarkozy, en 2007, et Hollande-Sarkozy, en 2012, la diférence de mordant est telle que l'on peut se demander s'il ne s'est pas dit ... "Vous le voulez ? Alors essayez-le !"

L'arroseur arrosé.

Et voilà, nous sommes en train de l'essayer, sans grande illusion pour certains mais de grandes désillusions pour d'autres, pour ceux qui l'ont porté au pouvoir. Et, du côté de l'équipe en place, en essayant grâce à la richesse de la langue Française et de ses synonymes, de ne pas trop laisser voir qu'ils se trouvent contraints de faire du "Sarkozy dans le texte", que les faits sont têtus et ne se plient pas facilement à une vision socialiste des remèdes et que, de droite ou de gauche, deux et deux feront toujours quatre, que l'économie n'a pas de couleurs et ne se résume qu'à faire sa fin de mois et que tout se joue sur l'ampleur des "redistributions" ... en fonction de ce qui reste, s'il en reste.

Il aura suffit que nos socialistes soient en responsabilité pour que tout ce qu'ils avaient nié farouchement jusque là, et pendant des années, devienne réalité. La "Crise", les retraites, l'insécurité, l'immigration, les prélèvements, la fiscalité, la compétitivité, les déficits, les délocalisations, la désindustrialisation, le complexisme, le coût des régions et tant d'autres tout petits problèmes qui, maintenant, leur éclatent à la figure et auxquels ils sont contraints, sous la pression de Bruxelles et du FMI, d'apporter des remèdes, et des remèdes qui, malheureusement, ne seront pas très éloignés de ce qui était tenté par l'équipe précédente.

"Je ne sais pas si les électeurs socialistes prendraient encore Hollande en auto-stop."Il se pourrait même qu'après avoir perdu tant de temps avant d'initier le traitement, par manque de courage, à droite, ou par obstruction, à gauche, les remèdes n'en soient que plus amers car, pour reprendre une sentence Hippocratique, "au début, la maladie est difficile à reconnaître mais facile à soigner, après, elle devient facile à reconnaître mais difficile à soigner". Michel Rocard, dans son livre "La gauche n'a plus droit à l'erreur", annonce la couleur tout en laissant entendre, à travers l'usage du mot "plus", que ce fut peut-être le cas auparavant, mais je lui laisse la pleine responsabilité du titre.

Bref, à l'image d'une éventuelle harmonisation des retraites privé-public, la gauche au pouvoir va se trouver contrainte de tenter et de réussir ce dont Sarkozy, lui-même, n'aurait pas osé rêver. A elle le rôle, peu enviable, d'exécuteur des hautes œuvres et à elle de faire un "sale boulot" qui va, injustement, lui coûter extrêmement cher sur le plan électoral. Elle peut réussir, et je le souhaite pour nous tous, mais à la condition que, d'une part, les électeurs socialistes, déçus malgré quelques os à ronger voire furieux de s'être quelque peu fait blouser, ne finissent pas par descendre dans la rue et en arrivent à manifester contre ceux pour lesquels ils ont voté et que, d'autre part, l'opposition se garde bien de gêner l'action d'un gouvernement qui, finalement, travaille pour elle.

L'opposition.

A défaut de soutenir trop ouvertement le pouvoir en place, ce qui serait tout de même maladroit, il est impératif, dans l'optique de cette "politique fiction", qu'elle s'oppose le moins possible, et c'est ce qu'elle fait brillamment, depuis des mois, en s'opposant surtout à elle-même. Primaires UMP, il y a quelques mois, primaires pour la Mairie de Paris, il n'y a que quelques jours, c'est de l'auto-destruction, le discrédit total d'un Parti Politique qui, non content d'être la risée du Parti Socialiste, non sans quelques raisons d'ailleurs, en arrive à faire fuir ses propres adhérents et militants, en attendant que ...

Sarkozy.

Dans une magnifique envolée "Gaullienne", il accepte de revenir en Politique ... si le Peuple le demande.

La boucle est bouclée, De Gaulle a un fils spirituel et Machiavel a trouvé son maître, d'autant qu'ils partagent le même prénom, et sauf démêlés judiciaires le rendant inéligible ou plus grave encore, il serait tout à fait concevable que le Peuple ou, plutôt, une bonne partie de celui-ci, le laisse entendre. En France, il est établi que l'on vote plutôt CONTRE un candidat que POUR un autre, dans cette optique, et surtout s'il réussit les réformes structurelles dont la France a besoin, Hollande sera immanquablement sanctionné par SON propre électorat. C'est totalement injuste, mais c'est comme ça et notre bon Nicolas pourrait fort bien être le sauveur de l'UMP, le premier Président de la cinquième à être réélu cinq ans après avoir été battu et , également, le premier à récupérer, grâce à la gauche, un pays en meilleur état qu'à son départ.

Je parlais, plus haut, de coup de billard à trois bandes ? Nous le saurons dans quatre ans !

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