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Le Rapport Warsmann.

Le rapport Pébereau, publié à la fin de l'année 2005, constituait déjà un remarquable instantané de la situation économique de la France et celle-ci était, qu'on le veuille ou non, relativement alarmante. Quatre ans plus tard, et parce que l'on n'a pas véritablement fait grand chose, un nouveau constat s'impose : non seulement l'état de nos finances publiques ne s'est pas amélioré, tant s'en faut, mais il est en passe de devenir franchement catastrophique sur bien des plans !

N'envisagez pas encore le suicide collectif... mais il faudra y songer si rien n'est fait, rapidement et avec l'adhésion de l'ensemble de la population, des syndicats, des gouvernants et des hommes politiques, tous bords confondus, car ils ont, dans leur ensemble et les uns après les autres, une part de responsabilité dans l'état financier de la France, en ayant préféré jouer les cigales avec les deniers publics plutôt que de se conduire en hommes d'État responsables. Les trois ou quatre années à venir ne manqueront pas mettre en lumière les attitudes et prises de position de chacun et elles sont, somme toute, très prévisibles.

Les uns vont préférer miser, comme ils l'ont pratiquement toujours fait, sur une démagogie confortable et électoraliste pouvant leur laisser espérer un retour aux affaires en 2012, les autres, sans doute bien moins nombreux, vont tenter avec courage d'infléchir une situation, particulièrement mauvaise, à coup de mesures nécessaires et justifiées, certes, mais suffisamment distillées pour ne pas risquer de froisser l'opinion. Opinion qui a pourtant vécu à crédit depuis des décennies et qui ne voit pas très bien, après tout, pourquoi cela ne continuerait pas, alors que nous sommes au pied du mur et qu'un véritable big bang est autrement plus nécessaire, et adapté, que le recours à un traitement homéopathique.

Il s'agit d'un RAPPORT déposé, en application de l’article 145 du Règlement, par la Commission des Lois Constitutionnelles, de la  Législation et de l'Administration générale de la République, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l'optimisation de la dépense publique et présenté par M. Jean-Luc WARSMANN, Député, en date du 14 Octobre 2009, ce qui veut dire que c'est, à la fois, tout frais, d'actualité et indiscutable.

Pour éviter les polémiques, il me paraît bon de préciser que ce texte n'est ni de droite, ni de gauche, il ne s'agit que d'un constat sur lequel sont tombés d'accord des représentants des différents courants de pensé politique. Il s'agissait, en l'occurrence, de poser un diagnostic, et, une fois n'est pas coutume, tous les praticiens consultés aboutissent aux mêmes conclusions et aux mêmes propositions thérapeutiques !

Autre qualité de ce rapport, en plus de pouvoir être un livre de chevet idéal, c'est qu'il ratisse large, un véritable inventaire à la Prévert. De l'absentéisme dans la fonction publique à nos déficits récurrents même en période de croissance, en passant par un chiffrage, fort intéressant, de ce que rapporte la vente de cannabis à un "semi-grossiste" (sic), par la notion d'impôt papier, par notre endettement par rapport aux autres pays de l'Europe et par notre système fiscal dissuasif dans un contexte de concurrence exacerbée qui ne fidélise pas nos entreprises, ni ne pousse d'autres, étrangères, à s'implanter dans l'hexagone, en passant par le fait que le principal responsable de cette pérennisation des déficits est l'État lui-même, loin devant la sécurité sociale, et que notre fiscalité combine des assiettes étroites et des taux d’imposition élevés, vous y trouverez matière à entretenir les conversations de bistrot ou celles des dîners en ville, preuves officielles à l'appui.

La simple teneur de l'introduction devrait vous convaincre de télécharger le document pour lire la suite.

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Mesdames, Messieurs,

Cette année, pour la première fois depuis plus de cinquante ans, la moitié des dépenses de l’État français va être financée à crédit. Ainsi que chacun l’admet, cette dégradation accélérée des finances de l’État s’explique ces derniers mois par la crise économique sans précédent à laquelle nous sommes confrontés, comme le reste du monde.

Des dépenses ont dû être engagées pour préserver notre économie du chaos, éviter son effondrement, et on ne peut que se satisfaire de la décision qui a été prise de relancer les investissements par un plan rapide et ambitieux. Parallèlement, les recettes publiques se sont taries ; pour preuve l’impôt sur les sociétés ne devrait rapporter à l’État, en 2009, que la moitié de ce qu’il avait rapporté en 2008. L’impact de la crise sur nos finances publiques est donc bien tangible et explique l’accroissement soudain et brutal du déficit de l’État de 2008 à 2009 : de 3,4 % à 8,2 % du PIB. Mais les crises – celle-ci comme les autres – ont souvent un effet révélateur puissant. Outre la nécessité de réformer profondément la manière dont fonctionne notre système de marché au plan mondial, celle que nous vivons nous ouvre les yeux sur un défi qui est maintenant clairement devant nous. Nous mesurons désormais à quel point la situation de nos finances publiques est devenue insoutenable.

Cette situation, mise en lumière par la crise, n’est pas nouvelle : elle est, au contraire, le fruit d’une lente et irrésistible dérive de nos comptes publics depuis la fin des Trente Glorieuses.

...« de se mobiliser pour identifier tous les dispositifs inutiles, toutes les aides dont l’efficacité n’est pas démontrée, tous les organismes qui ne servent à rien »...Sans doute des voix se sont-elles déjà élevées contre une telle dérive, mais l’écho qu’elles ont suscité est demeuré trop faible. Par ses effets immédiats, par ceux qu’elle laisse présager à long terme, cette crise, la plus grave à laquelle la France est confrontée depuis des décennies, nous oblige aujourd’hui à déciller les yeux. Notre pays ne peut vivre dans l’illusion que seront éternellement – et presque miraculeusement – financés, demain, les déficits d’aujourd’hui. Cette prise de conscience est la condition d’un sursaut. Chacun à sa place doit y contribuer. C’est tout le sens du présent rapport.

À l’origine de cette démarche, il faut rappeler les mots du Président de la République devant le Congrès du Parlement, à Versailles, le 22 juin dernier. Le chef de l’État a alors exhorté les députés et les sénateurs à s’emparer de ce débat en demandant au Parlement « de se mobiliser pour identifier tous les dispositifs inutiles, toutes les aides dont l’efficacité n’est pas démontrée, tous les organismes qui ne servent à rien », en ajoutant que « la question centrale c’est celle de la qualité de la dépense publique ».

Forte de cette invitation inédite à la mobilisation, l’Assemblée nationale devait agir. Par une lettre en date du 1er juillet 2009, le Président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, a souhaité, que chaque commission contribue à la réflexion sur « l’optimisation de la dépense publique et la traque des dépenses inutiles ou des organismes dont l’utilité ne se justifie plus ».

La commission des Lois a décidé, dès le 15 juillet 2009, de créer une mission d’information sur l’optimisation de la dépense publique – composée de neuf membres – chargée d’établir un diagnostic clair et partagé sur l’état de nos finances publiques et de présenter des mesures susceptibles d’être mises en application dans les meilleurs délais.

L’ambition de la mission a été, dans ce court laps de temps, de définir des moyens permettant de rendre la dépense publique plus efficace en traquant les dépenses inutiles. Elle a cherché toutes les pistes, de manière pragmatique, pour économiser l’argent public sans pour autant que l’État, les collectivités locales ou la sécurité sociale cessent de remplir ces missions de service public auxquels les Français ont droit. En cela, la mission s’inscrit dans la continuité des réflexions menées l’an passé et qui ont abouti, par exemple lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, à rationaliser les frais de gestion des autorités administratives indépendantes. La mission s’est en cela concentrée sur les départements ministériels qui relèvent de sa compétence : l’intérieur, la justice et l’immigration.

Mais la mission a également perçu les limites de cet exercice si on n’envisage pas la situation d’un point de vue global, en s’interrogeant sur la dette publique, son évolution très inquiétante et ses conséquences qui pourraient être dramatiques non seulement pour notre économie mais aussi pour notre modèle de société. La commission des Lois a depuis longtemps exprimé cette préoccupation : c’est elle qui, à l’initiative de votre rapporteur, a cherché, en 2005, à limiter l’accumulation de la dette sociale, en prévoyant que tout transfert de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) devait être systématiquement accompagné d’une ressource nouvelle.

Enfin, face à la crise, la mission a cherché les moyens d’assurer de meilleures rentrées fiscales afin d’équilibrer nos finances publiques tout en stimulant l’investissement qui est la clé des réussites futures.

La mission a réalisé tout au long du mois de septembre de très nombreuses auditions, lui permettant de recueillir le témoignage de responsables de collectivités locales, des administrations financières, des administrations sociales ou bien encore des ministères relevant du champ de compétences de la commission des Lois mais aussi d’économistes, de fiscalistes, d’associations de contribuables.

Il ressort clairement de ces auditions que la France est à l’aube d’un choc budgétaire et financier sans précédent.

On ne cédera pas au pessimisme. L’idée n’est pas de dresser un tableau décourageant qui inhibe les bonnes volontés. La France peut réagir énergiquement ; elle a su le faire par le passé afin de restaurer l’équilibre de ses comptes.

La Cour des comptes, par la voix de son Premier président, M. Philippe Séguin, que la mission a entendu, a rappelé la situation dans laquelle se trouvait notre pays au lendemain de la Grande Guerre. Un pays vainqueur mais exsangue dont la dette représentait deux fois le montant du PIB. Pourtant en dépit du fardeau de cette dette et des déficits qui pesaient sur l’avenir du pays et de la reconstruction, des hommes politiques, comme Raymond Poincaré, ont su prendre les décisions qui s’imposaient afin de garantir la survie financière de notre pays. Ce fut le temps des décisions, des efforts, du courage.

Même si la situation de la France d’aujourd’hui et celle de 1918 ne sont évidemment pas en tout point comparables, nous pouvons nous inspirer de l’esprit de responsabilité qui a prévalu à l’époque.

...Nous avons la responsabilité d’assurer aux jeunes Français qui voient le jour en 2009 qu’ils pourront vivre à l’âge adulte dans une société où trouvent encore à s’exprimer les valeurs qui font notre pays...Devant une situation budgétaire et financière proche de la saturation, l’objectif est finalement assez simple à énoncer. Nous avons la responsabilité d’assurer aux jeunes Français qui voient le jour en 2009 qu’ils pourront vivre à l’âge adulte dans une société où trouvent encore à s’exprimer les valeurs qui font notre pays – la liberté d’agir, de créer, la solidarité, l’égalité, l’accès aux soins, aux services publics. Ils ont également le droit de ne pas connaître une France qui aura subi un déclassement en Europe et dans le monde, en raison de l’état de ses finances publiques.

Le présent rapport entend d’abord faire un état des lieux clair et simple pour que chacun sache à quoi s’en tenir. C’est un véritable appel à la lucidité qui est ainsi lancé.

Ce rapport propose ensuite des pistes pour optimiser la dépense publique, tenter de juguler le cycle infernal de la dette et, en particulier, sociale, et améliorer notre système de recettes publiques tout en soutenant l’investissement et l’innovation.

Ces pistes sont de tous ordres, de la mesure la plus vaste concernant, par exemple, la dette sociale, à celles plus modestes consistant à trouver quelques moyens d’économies, poste par poste, dans les ministères. Derrière s’affichent une ambition et une préoccupation : l’ambition d’ouvrir ce grand débat national que nous appelons de nos vœux pour faire face à ce choc des finances publiques ; la préoccupation de rendre l’État et tous les acteurs publics exemplaires à un moment où le plus grand nombre souffre profondément de la crise. C’est au prix de cette exemplarité que chacun acceptera le poids de l’effort à consentir pour surmonter cette épreuve. C’est aussi à cela que l’on mesure la vitalité d’une société et d’un pays.

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