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L'Ultralibéralisme

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Le terme d’ultralibéralisme (ou d’ultra-libéralisme) est un terme polémique et polysémique qui désigne :

  • soit les idées des partisans de la République libérale sous la Restauration française ;
  • soit « une doctrine économique prônant un libéralisme sans contrainte et assumant toutes ses conséquences ».

Dans son usage actuel, le terme d'ultralibéralisme n'est employé que de façon péjorative pour désigner une forme de libéralisme économique que le locuteur estime néfaste et condamnable. Il n'existe aucune école de pensée ni aucun groupe qui se désigne lui-même par la qualification d'ultralibéral. Il n'y a pas non plus de consensus entre les utilisateurs du terme sur une définition qui permettrait de distinguer l'« ultralibéralisme » du libéralisme. Chacun appelle « ultralibéraux » ceux qui sont plus libéraux que lui.

Le terme d'ultralibéralisme est donc réfuté par certains analystes et par les libéraux qui y voient une « notion [qui] n’a pas de sens rationnel, [...] un mot qui sert à désigner l'ennemi. »

Origines du terme et définition

Sens premier

Le terme est apparu initialement lors de la Restauration en France pour caractériser les partisans « extrémistes » d'une république libérale, opposés à la monarchie. On retrouve par exemple le terme sous la plume de Stendhal en 1832 dans ses Souvenirs d'égotisme ou de Prosper Mérimée en 1870.

Sens contemporain

Le terme a été à nouveau utilisé à partir des années 1960-1970 dans la langue française ; il est « entré dans le vocabulaire polémique » pour caractériser un système économique jugé néfaste qui prônerait « le libéralisme absolu, encourageant l'économie de marché et l'entreprise privée ».

Utilisation contemporaine du terme

L'ultralibéralisme comme théorie économique ?

Certains auteurs ont utilisé le terme pour caractériser des penseurs ou économistes, en donnant au terme une acception proche de celle de libertarianisme. Le terme « libertarianisme » étant cependant un néologisme, l'utilisation du terme « ultra-libéralisme » dans le sens courant s'en trouve ainsi partiellement expliqué.

Selon Marie Cuillerai, l'ultra-libéralisme économique se fonde sur « l'absence de régulation économique de l'État ». Pour Daniel Cardot, l'ultra-libéralisme place la liberté individuelle au-dessus de tout, tout ce qui concourt à la limiter réduisant le bien-être général.

Le philosophe Francisco Vergara, dans son ouvrage Les Fondements philosophiques du libéralisme, distingue les prélibéraux, les libéraux classiques et les ultra-libéraux. Il classe parmi les plus célèbres représentants de l'ultra-libéralisme Frédéric Bastiat pour le XIXe siècle, Milton Friedman et Friedrich Hayek pour le XXe siècle, qui « n'adhèrent pas au même projet de société que les libéraux classiques » : « Dans leurs écrits, M. Friedman et F. Hayek sont allés jusqu'à proposer la privatisation de la monnaie, c'est-à-dire que chaque entreprise ait le droit d'émettre du papier monnaie. Dans leur projet de société ces auteurs accordent un domaine extrêmement large à la liberté de l'individu et des entreprises et un rôle exigu à l'action collective et au règlement. Les ultra-libéraux tendent à refuser presque tout rôle à l'autorité publique, non seulement dans l'économie proprement dite, mais encore dans l'éducation, la santé et même dans les infrastructures collectives, fonction de l'État que les plus réputés des libéraux classiques souhaitaient élever au niveau d'une véritable science appliquée. ».

D'après le sociologue Daniel Mercure, l'« ultra-libéralisme » trouve ses origines au sein de l'école économique autrichienne, notamment chez Ludwig von Mises et Friedrich Hayek. Il considère qu'au milieu des années 1970, « des penseurs ultralibéraux comme Murray Rothbard et David Friedman s'employèrent à prouver la validité sociale d'une idéologie fondée sur le retour au laisser-faire intégral ». Selon l'auteur, ce discours a inspiré les politiques économiques menées dans les années 1970-1980 en Grande-Bretagne — le thatchérisme — et aux États-Unis — le reaganisme —, avant de conduire à la dérèglementation des marchés financiers et à la ratification de plusieurs traités de libre-échange. Le journaliste au Monde diplomatique et écrivain Serge Halimi adopte le même point de vue : « le penseur ultralibéral Friedrich Hayek [...] attendit plus de trente ans avant que des dirigeants politiques de premier plan (Mme Thatcher, Reagan, Augusto Pinochet) se trouvent en position de traduire ses analyses en actes ».

Dans le langage courant

Le terme est d'un usage courant dans le langage politique, dans tous les partis, pour critiquer les orientations d'une politique : en septembre 2007, Ségolène Royal a ainsi accusé Nicolas Sarkozy de mener une politique « ultralibérale ». A l'inverse, Nicolas Sarkozy a déclaré en conseil des ministres qu'il entendait mener sa politique industrielle « sans se laisser impressionner par les ultra-libéraux », d'après le porte-parole du gouvernement Laurent Wauquiez. Marie-George Buffet considére que le Medef propose un « programme économique et social ultra-libéral » tandis que, pour le Parti Socialiste, le programme de François Bayrou est « centré sur l'ultra-libéralisme ». À l’automne 2005, Alain Soral rejoint le Front national qu’il définit alors « comme étant le seul parti qui lutte efficacement contre la déferlante capitaliste et ultralibérale ». Pour d'autres encore, une partie du PS est ultra-libérale.

Il n'y a donc pas d'unanimité dans le discours politique pour situer l'ultra-libéralisme. Lors du référendum européen de 2005, la lutte contre l'ultralibéralisme a été revendiquée par les partisans du oui et du non : selon François Bayrou, l'ultra-libéralisme du Traité établissant une Constitution pour l'Europe a été l'une des causes de la victoire du non au référendum français de 2005. A l'inverse, Ernest-Antoine Seillière, ancien président du MEDEF, estime que le texte de la constitution se distinguait de l'ultra-libéralisme, qui « ne se préoccupe guère que de progrès économique et de compétitivité et n'a pas le même degré d'attention et de réglementation en ce qui concerne les transferts pour la solidarité ». Pour Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal ou François Bayrou se sont fait les partisans de l'ultra-libéralisme en appelant à voter oui au référendum.

L'emploi du terme est également courant au sein du courant altermondialiste. L'association Minga, partisane du commerce équitable, plaide pour une « démarche alternative au commerce ultralibéral ». L'organisation ATTAC a qualifié la directive Bolkestein de « projet ultra-libéral ». Quant à José Bové, il affirmait en 1999 : « Ces dernières années, la société a retrouvé le goût de la lutte et de la résistance active contre l’horreur ultralibérale ».

Réfutations du terme

Aucun économiste ou philosophe ne s'est jamais revendiqué de l'« ultralibéralisme », à l'inverse du néo-libéralisme qui était initialement un courant de pensée développé dans les années 1930 en France, en particulier lors du Colloque Walter Lippmann. Le terme même d'ultralibéralisme est réfuté par certains analystes et par les libéraux. Ces derniers réfutent toute légitimité à ce terme et le considèrent comme un terme péjoratif et caricatural destiné à dénigrer le libéralisme.

Pascal Salin écrit ainsi dans Libéralisme que ceux qui parlent d'ultralibéralisme le font « pour suggérer l'idée que les libéraux sont des extrémistes politiques, proches d'une extrême droite autoritaire, dont ils sont en réalité aux antipodes. » Cette confusion sémantique volontaire est facilitée selon lui par l'existence de deux approches du libéralisme : une approche utilitariste et une approche fondée sur le droit naturel ; tout rejet de l'utilitarisme conduirait à être « immédiatement taxé d'"ultra-libéralisme" par ceux qu'on devrait être tenté d'appeler les "ultra-social-démocrates" ou les "ultra-centristes" ». Salin considère à l'opposé de la vision utilitariste le libéralisme comme un tout cohérent, qu'il est impossible de diviser en libéralisme « avancé », « social » ou « ultra ». Selon lui, il n'y a pas de libéralisme « hémiplégique ».

Guy Sorman dénonce lui aussi l'usage du terme avec comme fin la « diabolisation du libéralisme » dans son ouvrage La nouvelle solution libérale. Selon lui, le terme est né dans les milieux de gauche au lendemain de la chute du mur de Berlin pour masquer l'échec du communisme et empêcher toute évolution de la France vers le libéralisme. Cette manœuvre de « diabolisation » a été pour Sorman un succès puisque « tout libéral est contraint de se situer non par rapport au libéralisme mais de se dédouaner de son ultra-libéralisme ». Il écrit également que la façon de penser libérale privilégie le raisonnable, à l'opposé de tout absolutisme et que c'est plus un excès de relativisme qu'un aspect « ultra » qu'on pourrait reprocher aux libéraux.

Cette réfutation du terme d'« ultra-libéralisme » est partagée par d'autres penseurs et économistes non libéraux voire anti-libéraux :

Certains penseurs ont dénoncé l'utilisation d'« ultra-libéralisme », de « néo-libéralisme » et plus généralement d'un vocabulaire destiné à discréditer et à « excommunier » ceux qui sont visés par ces qualificatifs et qui s'apparente à du terrorisme intellectuelCertains penseurs comme le philosophe et politologue Pierre-André Taguieff ont dénoncé l'utilisation d'« ultra-libéralisme », de « néo-libéralisme » et plus généralement d'un vocabulaire destiné à discréditer et à « excommunier » ceux qui sont visés par ces qualificatifs et qui s'apparente à du terrorisme intellectuel. Selon Taguieff, « ultra-libéral » est utilisé aux mêmes fins que « passéiste », « réactionnaire » ou « xénophobe » pour inventer un ennemi et lancer une « chasse aux sorcières ».Il considère que cette attitude est propre à la gauche culturelle et que la gauche politique s'est en partie émancipée de cette attitude. Pour The Economist, il s'agit d'un terme utilisé pour faire peur et créer de la « panique ». Hervé Morin, président du Nouveau Centre, dénonce le recours au terme pour discréditer son adversaire en politique et juge cette méthode « préoccupante ». Ainsi, dans une tribune du 14 mars 2008, il écrit : « Il est très préoccupant pour notre pays de constater que plus personne ne semble pouvoir revendiquer [la liberté d'entreprendre] sans être aussitôt qualifié d’"ultralibéral", formule qui est une sorte d’équivalent du cynisme absolu ! ».

Alain Wolfelsperger, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, va plus loin dans la critique de ce processus linguistique : il considère que le terme est une insulte qui ressort du « style paranoïde » et est caractéristique d'un certain « conspirationnisme » des « ultra-antilibéraux » qui « fantasment » ce qu'est réellement le libéralisme.

Le journal altermondialiste Le Plan B critique lui aussi l'usage du terme en considérant que le terme est abstrait. Dans son numéro de février-mars 2007, on peut ainsi lire : « En tonnant contre « l'ultralibéralisme » sans en désigner les architectes, la gauche de gauche donne des coups d'épée dans l'eau. » Le journal rapporte également les propos d'un syndicaliste italien tenus à Marie-George Buffet : « Mais, Marie-George, pourquoi “contre l'ultralibéralisme” ? On ne peut pas dire “contre le libéralisme”, ça suffit ?! »

La première acception du terme a été elle aussi réfutée par des auteurs qui n'y voyaient qu'un terme repoussoir destiné à discréditer la partie adverse. Ainsi, Édouard Laboulaye, écrivait-il au XIXe siècle à propos de ceux qui s'opposent à la liberté de l'enseignement, « oppose-t-on à ces doctrinaires de la République que du même coup ils tueront la liberté ? Ils ont une réponse toute prête. Ceux qui demandent la liberté d'enseignement sont des ultralibéraux, des utopistes, des rêveurs ».

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