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Le syndrome de Billancourt.

Le "Syndrome de Billancourt" se révèle, principalement pendant une interview, par le trouble psychologique que paraissent présenter de nombreux usagers des services publics pris en otages à l'occasion d'une grève.

Ce nouveau syndrome, spécifiquement français et très peu décrit jusqu'à présent, n'est rien d'autre que la transposition syndicale du célèbre Syndrome de Stockholm.

Rappelons, tout d'abord, ce dont il s'agit. Ce syndrome a été identifié à la suite de l'observation de l'attitude paradoxale manifestée par les otages à l'égard de leur ravisseurs, lors du cambriolage d'une banque, en 1973, dans cette même ville. Les quatre otages retenus vont être utilisés pour faire pression sur les forces de l'Ordre afin d'obtenir la libération d'un détenu qui, sitôt relâché, viendra les rejoindre.

Bref, six jours en vase-clos pour tout ce petit monde, six jours avant que les otages ne soient libérés.

Mais, contre toute logique,  ils prendront la défense de leurs ravisseurs et ne témoigneront même pas contre eux, lors du procès. Mieux encore, ces victimes iront jusqu'à leur rendre visite en prison, laissant entendre qu'elles éprouvent une certaine sympathie pour eux et que, finalement, sans y adhérer vraiment, elles comprennent les motivations de ceux qui les ont, pourtant, retenues en otages.

Très étudié depuis cette date, il s'avère qu'il s'agit d'un phénomène psychique caractérisé par le sentiment de confiance, voire même de sympathie, que peut développer une victime à l'égard de ses ravisseurs. Il a néanmoins été établi que, pour qu'un tel syndrome soit susceptible d'apparaître, trois conditions doivent être réunies :
  • le preneur d'otage doit parvenir à convaincre ses victimes que son acte est juste,
  • il ne doit exister aucune violence de l'agresseur à l'égard des otages,
  • et, enfin, il est nécessaire que les victimes ignorent l'existence de ce syndrome.
Si, de plus, les victimes éprouvent de l'hostilité voire, même, un simple ressentiment à l'égard des forces de l'ordre, le syndrome n'en sera que renforcé ou son apparition d'autant plus facile.

Or, tant côté syndical que côté usagers, c'est à un ballet fort bien réglé que nous assistons à chacune des grèves concernant l'un de nos services publics, surtout  lorsqu'il s'agit des plus gênantes,  celles des transports en commun, celles qui prennent en otage les plus fondamentales de nos libertés, la liberté de nous déplacer, la liberté de travailler et la liberté de gagner notre vie.

La dialectique syndicale, avec son sempiternel couplet altruiste sur la défense des usagers et, donc, des services publics, suffit à remplir la première des conditions.

Le refrain "1936-Front Populaire-Grèves-Congés Payés" remettra l'inconscient collectif en bon ordre s'il semble apparaître le moindre frémissement d'un phénomène de rejet.

La deuxième condition est réglée de fait. Les otages patientent et s'entassent sur les quais, tandis que les grévistes, eux, sont ... ailleurs, invisibles et hors de portée, à l'exception du seul Agent qui, au terme d'une attente interminable, apparaîtra tel un sauveur à la tête de son train.

Apparemment non gréviste, mais assurément solidaire des retombées de l'action des "camarades".

La condition "favorisante" est, elle, très facilement obtenue, surtout en France, avec le ressentiment chronique que nous nourrissons à l'égard de l'État. En s'identifiant aux grévistes, avoir l'impression de régler ses comptes "par procuration", peut apporter une satisfaction qui vaut bien quelques heures d'attente, et ce, en vertu de l'adage bien connu : " les ennemis de mes ennemis sont mes amis "...

Volontairement ou non, ce seront finalement les médias qui, à travers interviews et sondages, vont contribuer à satisfaire la troisième des conditions. En ne donnant pratiquement la parole qu'à ceux qui expriment leur "solidarité et leur soutien", paraissant ainsi passer pour les plus nombreux, ce que les sondages ne manqueront pas de corroborer utilement, "suivisme moutonnier" et loi du nombre laisseront entendre que la pathologie n'est pas, finalement, là où on le pense.

Il n'existe qu'un seul vaccin contre ce syndrome, c'est le rapport de la Cour des comptes.

A la lumière de ce rapport
, ne pas avoir de train, de métro, d'avion, de bateau, rater un départ en vacances avec des enfants en pleine chaleur ou en plein froid ou, encore, rater la signature d'un contrat, n'oblige pas nécessairement à dire merci !

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