Etat des lieux French way of life* Le règne de l'Ubucratie.
Le règne de l'Ubucratie.
Ce court extrait de "Ubu Roi", la pièce d'Alfred Jarry qui fut jouée pour la première fois en décembre 1896, montre que nos énarques et technocrates que l'on pointe si volontiers du doigt n'ont, finalement, rien inventé et que notre mal actuel était déjà en germe.
Scène III
Une maison de paysans
dans les environs de Varsovie.
UN PAYSAN, entrant.
Apprenez la grande nouvelle. Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune Bougrelas s'est sauvé avec sa mère dans les montagnes. De plus, le Père Ubu s'est emparé du trône.
UN AUTRE
J'en sais bien d'autres. Je viens de Cracovie, où j'ai vu emporter les corps de plus de trois cents nobles et de cinq cents magistrats qu'on a tués, et il paraît qu'on va doubler les impôts et que le Père Ubu viendra les ramasser lui-même.
dans les environs de Varsovie.
UN PAYSAN, entrant.
Apprenez la grande nouvelle. Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune Bougrelas s'est sauvé avec sa mère dans les montagnes. De plus, le Père Ubu s'est emparé du trône.
UN AUTRE
J'en sais bien d'autres. Je viens de Cracovie, où j'ai vu emporter les corps de plus de trois cents nobles et de cinq cents magistrats qu'on a tués, et il paraît qu'on va doubler les impôts et que le Père Ubu viendra les ramasser lui-même.
TOUS
Grand Dieu ! qu'allons-nous devenir ? Le Père Ubu est un affreux sagouin et sa famille est, dit-on, abominable.
UN PAYSAN
Mais, écoutez : ne dirait-on pas qu'on frappe à la porte ?
UNE VOIX, au dehors.
Cornegidouille ! Ouvrez, de par ma merdre, par saint Jean, saint Pierre et saint Nicolas ! ouvrez, sabre à finances, je viens chercher les impôts !
( La porte est défoncée, le Père Ubu pénètre suivi d'une légion de Grippe-Sous. )
Scène IV
PÈRE UBU
Qui de vous est le plus vieux ? ( Un Paysan s'avance. ) Comment te nommes-tu ?
LE PAYSAN
Stanislas Leczinski.
PÈRE UBU
Eh bien, cornegidouille, écoutes-moi bien, sinon ces messieurs te couperont les oneilles. Mais, vas-tu m'écouter enfin ?
STANISLAS
Mais Votre Excellence n'a encore rien dit.
PÈRE UBU
Comment, je parle depuis une heure. Crois-tu que je vienne ici pour prêcher dans le désert.
STANISLAS
Loin de moi cette pensée.
PÈRE UBU
Je viens donc te dire, t'ordonner et te signifier que tu aies à produire et exhiber promptement ta finances, sinon tu seras massacré. Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances. ( On apporte le voiturin. )
STANISLAS
Sire, nous ne sommes inscrits sur le registre que pour cent cinquante-deux rixdales que nous avons déjà payées, il y aura tantôt six semaines à la Saint Mathieu.
PÈRE UBU
C'est fort possible, mais j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement. Avec ce système j'aurais vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai.
PAYSANS
Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens.
PÈRE UBU
Je m'en fiche. Payez.
...
Scène VII
La salle du Conseil d'Ubu.
PÈRE UBU, MÈRE UBU
CONSEILLERS DE FINANCES
PÈRE UBU
Messieurs, la séance est ouverte et tâchez de bien écouter et de vous tenir tranquilles. D'abord, nous allons faire le chapitre des finances, ensuite nous parlerons d'un petit système que j'ai imaginé pour faire venir le beau temps et conjurer la pluie.
UN CONSEILLER
Fort bien, monsieur Ubu.
MÈRE UBU
Quel sot homme.
PÈRE UBU
Madame de ma merdre, garde à vous, car je ne souffrirai pas vos sottises. Je vous disais donc, messieurs, que les finances vont passablement. Un nombre considérable de chiens à bas de laine* ( *chiens dressés à détrousser les rentiers NDLR ) se répand chaque matin dans les rues et les salopins font merveille. De tous côtés on ne voit que des maisons brûlées et des gens pliant sous le poids de nos phynances.
LE CONSEILLER
Et les nouveaux impôts, monsieur Ubu, vont-ils bien ?
MÈRE UBU
Point du tout. L'impôt sur les mariages n'a encore produit que 11 sous, et encore le Père Ubu poursuit les gens partout pour les forcer à se marier.
...
UN PAYSAN
Mais, écoutez : ne dirait-on pas qu'on frappe à la porte ?
UNE VOIX, au dehors.
Cornegidouille ! Ouvrez, de par ma merdre, par saint Jean, saint Pierre et saint Nicolas ! ouvrez, sabre à finances, je viens chercher les impôts !
( La porte est défoncée, le Père Ubu pénètre suivi d'une légion de Grippe-Sous. )
Scène IV
PÈRE UBU
Qui de vous est le plus vieux ? ( Un Paysan s'avance. ) Comment te nommes-tu ?
LE PAYSAN
Stanislas Leczinski.
PÈRE UBU
Eh bien, cornegidouille, écoutes-moi bien, sinon ces messieurs te couperont les oneilles. Mais, vas-tu m'écouter enfin ?
STANISLAS
Mais Votre Excellence n'a encore rien dit.
PÈRE UBU
Comment, je parle depuis une heure. Crois-tu que je vienne ici pour prêcher dans le désert.
STANISLAS
Loin de moi cette pensée.
PÈRE UBU
Je viens donc te dire, t'ordonner et te signifier que tu aies à produire et exhiber promptement ta finances, sinon tu seras massacré. Allons, messeigneurs les salopins de finance, voiturez ici le voiturin à phynances. ( On apporte le voiturin. )
STANISLAS
Sire, nous ne sommes inscrits sur le registre que pour cent cinquante-deux rixdales que nous avons déjà payées, il y aura tantôt six semaines à la Saint Mathieu.
PÈRE UBU
C'est fort possible, mais j'ai changé le gouvernement et j'ai fait mettre dans le journal qu'on paierait deux fois tous les impôts et trois fois ceux qui pourront être désignés ultérieurement. Avec ce système j'aurais vite fait fortune, alors je tuerai tout le monde et je m'en irai.
PAYSANS
Monsieur Ubu, de grâce, ayez pitié de nous. Nous sommes de pauvres citoyens.
PÈRE UBU
Je m'en fiche. Payez.
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Scène VII
La salle du Conseil d'Ubu.
PÈRE UBU, MÈRE UBU
CONSEILLERS DE FINANCES
PÈRE UBU
Messieurs, la séance est ouverte et tâchez de bien écouter et de vous tenir tranquilles. D'abord, nous allons faire le chapitre des finances, ensuite nous parlerons d'un petit système que j'ai imaginé pour faire venir le beau temps et conjurer la pluie.
UN CONSEILLER
Fort bien, monsieur Ubu.
MÈRE UBU
Quel sot homme.
PÈRE UBU
Madame de ma merdre, garde à vous, car je ne souffrirai pas vos sottises. Je vous disais donc, messieurs, que les finances vont passablement. Un nombre considérable de chiens à bas de laine* ( *chiens dressés à détrousser les rentiers NDLR ) se répand chaque matin dans les rues et les salopins font merveille. De tous côtés on ne voit que des maisons brûlées et des gens pliant sous le poids de nos phynances.
LE CONSEILLER
Et les nouveaux impôts, monsieur Ubu, vont-ils bien ?
MÈRE UBU
Point du tout. L'impôt sur les mariages n'a encore produit que 11 sous, et encore le Père Ubu poursuit les gens partout pour les forcer à se marier.
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